samedi 25 décembre 2010

Algérie. L’impossible justice transitionnelle

par François Gèze et Salima Mellah, Algeria-Watch, 22 décembre 2010
Version française de l’article à paraître in Nadya Nedelsky et Lavinia Stan (dir.), The Encyclopedia of Transitional Justice, Cambridge University Press, New York, 2012.
En janvier 1992, l’interruption par un coup d’État militaire des premières élections législatives pluralistes de l’Algérie indépendante, remportées par le Front islamique du salut (FIS), a déclenché une terrible guerre civile, cause jusqu’en 1999 de quelque 200 000 morts, de 20 000 « disparus » et des déplacements forcés de plus de 1,5 million de personnes. Le commandement militaire a instauré un état d’urgence toujours en vigueur dix-huit ans plus tard. Le Parlement a été dissout, la Constitution gelée et le président de la République contraint à la démission. Sous prétexte de lutte contre la subversion, toute l’opposition, islamiste ou non, a été anéantie ou mise au pas.
Depuis l’élection en avril 1999 du président Abdelaziz Bouteflika, la paix civile est en apparence revenue, mais les chefs militaires ont continué à exercer en sous-main la réalité du pouvoir derrière la « façade démocratique ». Malgré les demandes de victimes, d’organisations de défense des droits humains et d’organes de l’ONU, les autorités algériennes ne veulent pas entendre parler de justice transitionnelle ou d’enquêtes indépendantes visant à établir la vérité sur les crimes commis. Les termes de la loi sur la « concorde civile » de 1999, comme ceux de la loi de « réconciliation nationale » de 2006, traduisent surtout la volonté d’occulter la responsabilité de l’État dans un grand nombre de crimes considérés comme des « crimes contre l’humanité » par un expert de l’ONU en octobre 2007, lors d’une session du Comité des droits de l’homme sur Algérie. Ces lois font surtout fonction d’autoamnistie pour les responsables militaires et policiers responsables de violations massives des droits humains, tandis que la grande majorité des membres des groupes armés se réclamant de l’islam échappent également à la justice.

La « sale guerre » des années 1990

Après le putsch du 11 janvier 1992, fomenté par le commandement militaire, une partie de l’opposition islamiste s’est engagée dans la lutte armée contre un régime qu’elle considérait comme illégal. Une répression sauvage s’est abattue sur l’Algérie, qui a vécu pendant des années au rythme des attentats, des massacres, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées. Dès 1992, des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées par les forces de sécurité, déportées dans des camps de concentration, torturées, exécutées ou victimes de disparitions forcées. À partir de 1994, face aux maquis des « Groupes islamiques armés » (GIA) et de l’« Armée islamique du salut » (AIS), des milices ont été mises en place et les faux groupes armés islamistes contrôlés par les agents des services secrets de l’armée (le Département du renseignement et de la sécurité, DRS) ont fait la guerre aux maquisards ainsi qu’aux populations civiles suspectées de sympathie pour ces derniers.
À partir de 1996, des massacres collectifs attribués aux GIA (désormais entièrement contrôlés par le DRS) provoqueront le déplacement forcé de plus de 1,5 million de personnes. Cette phase de la guerre contre-subversive conduite par les chefs de l’armée – selon le modèle de la « guerre moderne » conceptualisée par les militaires français lors de la guerre d’indépendance algérienne – a atteint son summum en 1997-1998 à Raïs, Bentalha, Sidi Youcef, Sidi-Hamed, Rélizane, etc., où chaque tuerie a fait des dizaines ou des centaines de morts. Revendiquées par les GIA, ces massacres étaient liés à une terrible lutte au sommet du pouvoir et n’ont progressivement cessé qu’après la démission forcée en septembre 1998 du général-président Liamine Zéroual et son remplacement par Abdelaziz Bouteflika, désigné par le commandement militaire. Élu en avril 1999 lors d’un scrutin truqué, il a fait approuver par référendum, en septembre de la même année, la loi dite de « concorde civile », sensée ramener la paix dans le pays, en amnistiant sous certaines conditions les membres de groupes armés. Son prédécesseur avait quant à lui déjà promulgué en 1995 une loi de clémence (« rahma ») allant dans le même sens.
À partir de 1999-2000, les violences ont nettement diminué, mais plusieurs attentats spectaculaires sont survenus en 2007-2008, revendiqués par le Groupe salafiste de prédication et de combat (GSPC, successeur en 1998 des GIA et comme eux soupçonné par de nombreux spécialistes d’être manipulé par le DRS). Jusqu’en 2010, des militaires périssent régulièrement dans des embuscades et des miliciens sont tués, tandis que les « forces de sécurité » arrêtent des suspects, détenus arbitrairement, torturés et maintenus au secret pendant des semaines ou des mois.
Les généraux responsables du coup d’État en 1992 ne sont plus en fonction début 2010, à l’exception de l’omnipotent Mohammed Médiène, alias « Tewfik », chef du DRS depuis septembre 1990 et considéré comme le véritable maître du pays. Ses principaux partenaires (et parfois concurrents), les généraux Mohammed Lamari et Khaled Nezzar, ont été écartés, tandis que son bras droit à la tête du DRS, le général Smaïl Lamari, est décédé en août 2007 et le général Larbi Belkheir en janvier 2010. Mais les « jeunes loups » de l’armée et du DRS occupent toujours des postes clés au cœur du pouvoir et sont actifs dans les affaires et les jeux d’influences ; tous réclament pour services rendus leur part des revenus des circuits de corruption – et, s’ils ont été trop ouvertement impliqués dans la « sale guerre », des garanties d’impunité.
La responsabilité des « forces de sécurité » et de leurs chefs – souvent nommément identifiés par des centaines de témoignages – dans les violations massives et systématiques des droits humains commises au nom de l’État est largement établie. S’agissant des crimes (massacres, viols dans les maquis, attentats à la bombe…) attribués aux groupes armés se réclamant de l’islam – et souvent revendiqués par eux –, l’implication de leurs chefs et de leurs exécutants est également certaine, même si leur indépendance réelle est mise en cause. De nombreux témoignages, tant de rescapés que d’anciens membres des services de sécurité, confirment en effet la responsabilité des chefs du commandement militaire et du DRS dans nombre de ces crimes, du fait de leur recours massif aux techniques d’infiltration et de manipulation. Et dans tous les cas, aucune enquête indépendante ou investigation judiciaire sérieuse n’a établi l’identité des véritables commanditaires des crimes commis depuis 1992.
Car la justice algérienne n’est pas indépendante. Les magistrats sont mis au pas ou révoqués à la moindre incartade, les témoins intimidés ou corrompus et les suspects menacés. Les seuls membres des forces de sécurité qui ont été condamnés l’ont été pour insubordination, délits criminels ou dans le but de les écarter des institutions auxquelles ils appartenaient. Aucun n’a été condamné pour torture lors d’un interrogatoire ou pour avoir liquidé un suspect, pratiques courantes pendant de longues années. Pourtant, dans le douloureux dossier des disparitions forcées, nombre de responsables d’enlèvement, membres du DRS, de l’armée ou de la police et des milices, sont connus nommément des familles de victimes, qui n’ont pas hésité à les désigner dans leurs tentatives de dépôt de plainte. L’implication de ces organes dans les enlèvements est cependant officiellement occultée.
Les premières victimes de la violence d’État qui ont osé demander publiquement des comptes aux autorités sont les mères et épouses de disparus. À partir de l’automne 1997, après la grande vague des enlèvements suivis de disparitions de la période 1994-1996, les familles ont pris conscience qu’elles n’étaient pas seules, que ces disparitions étaient massives et systématiques – entre 8 000 et 20 000 selon les sources – et qu’ensemble elles devaient affronter l’espace public. Dans les premiers rassemblements timides, les familles demandaient que les disparus soient relâchés ou présentés devant la justice. Mais rapidement, elles ont revendiqué le droit à la vérité sur le sort des leurs. Et plus elles ont pris de l’assurance, bravant les interdictions de manifestation et la répression des forces de l’ordre, plus elles ont exigé avec insistance que les responsables de ces enlèvements soient jugés.
À force de courage et d’obstination, ce mouvement de protestation, très majoritairement composé de femmes – parmi lesquelles des mères de famille qui n’avaient que rarement quitté jusque-là leur domicile –, bien que persécuté par les autorités, s’est révélé capable d’affronter l’hostilité ambiante. Et elles n’ont pas hésité à s’adresser directement aux commanditaires de ces enlèvements. En novembre 1998 par exemple, l’Association nationale des familles de disparus a écrit une lettre ouverte au chef d’état-major de l’armée à l’époque, le général-major Mohamed Lamari, celui-là même qui avait ordonné à ses forces spéciales en avril 1993 : « Les islamistes veulent aller au paradis. Qu’on les y emmène et vite, je ne veux pas de prisonniers, je veux des morts ! » Le moteur de la revendication de vérité et justice, ce sont ces femmes. Il leur fallait d’abord conquérir la reconnaissance de leur droit à l’existence, alors que jusque-là, elles étaient – parce que majoritairement voilées – considérées comme des mères de terroristes, la plupart des victimes étant des islamistes.
Les premiers questionnements des médias occidentaux et des représentants de la communauté internationale sur le rôle des agents de l’État dans cette violence sont apparus au moment des massacres de masse de 1997. Dans des villages et quartiers situés dans des régions très fortement militarisées (principalement dans l’Algérois), quadrillées par les milices et l’armée, des hordes d’assaillants ont pu massacrer des civils en toute quiétude, des heures durant. Les quartiers étaient bouclés par les militaires, qui n’intervenaient pas et bloquaient l’arrivée des secours. Les Algériens étaient choqués et révoltés et beaucoup, malgré les risques de poursuites, ont crié leur révolte en accusant le pouvoir de laisser massacrer les leurs – voire d’orchestrer directement ces tueries par l’entremise d’islamistes manipulés. Pour les « généraux décideurs », ces cris d’alarme ne devaient pas être entendus à l’extérieur du pays, d’autant plus que la revendication d’une enquête internationale indépendante visant à établir les faits et les responsabilités commençait à faire son chemin. Il ne fallait surtout pas que l’ONU s’empare du sujet et que des journalistes curieux puissent enquêter sur place.
Face à cette levée de boucliers, le régime algérien a engagé à la fin de 1997 une mobilisation médiatique et diplomatique sans précédent. Grâce à ses soutiens dans la communauté internationale, principalement en France, il a pu éviter que les rapporteurs spéciaux de l’ONU visitent le pays. Et il a réussi un coup de maître, avalisé par le secrétaire général de l’ONU, qui a mandaté une délégation de personnalités internationales, présidée par l’ancien président portugais Mario Soares, pour une simple « visite d’information » en Algérie en juillet 1998. Dès son arrivée, le programme de ce « panel » a été pris en main par les représentants de l’État. Les visites guidées sur les lieux de massacres ne pouvaient qu’aboutir à la seule mise en cause des terroristes islamistes, sans le moindre questionnement sur leurs commanditaires et en ignorant presque totalement les agissements clandestins des forces de répression. En conséquence, les conclusions du panel ont parfaitement correspondu aux attentes du régime, se limitant à quelques frileuses recommandations, notamment sur la question des disparitions forcées.
Depuis lors, fort de cette caution onusienne de personnalités qui ont accepté de rester sourdes aux exigences de vérité, le pouvoir algérien a réussi à imposer dans l’opinion internationale la représentation dominante de cette décennie de sang, celle de l’absolue barbarie des islamistes, contrée par les méthodes inévitablement un peu rudes de l’État. À coups de falsifications, d’intimidations et de promesses d’indemnisations des familles démunies, les disparitions forcées – malgré leur caractère massif et organisé, justifiant la qualification de crimes contre l’humanité – ont été présentées comme des dépassements regrettables mais individuels de membres de forces de l’ordre dépassés par les événements.
Mais si la responsabilité de l’État dans les disparitions forcées a ainsi été officiellement reconnue du bout des lèvres, la question de son implication dans les massacres de masse reste en revanche à ce jour un tabou absolu.

Impossible justice transitionnelle et simulacres de justice

Parallèlement au combat des familles de victimes des forces de sécurité, s’est affirmé celui, tout aussi légitime, des familles de victimes du terrorisme revendiqué par les groupes armés se réclamant de l’islam. Mais très tôt, celui-ci a fait l’objet de sournoises instrumentalisations. La première organisation de victimes du terrorisme a ainsi été créée par le pouvoir dès 1994, suivie d’autres. Contrairement aux associations de familles de disparus, elles ont presque toutes été officiellement reconnues : pour contrer les revendications des victimes de la répression d’État, les autorités ont mis en avant ces autres victimes pour promouvoir l’idée, largement reprise par les médias algériens, que la violence proviendrait exclusivement des « terroristes islamistes ».
Ces organisations se sont laissées embarquer dans cette stratégie, mais au bout du compte, mis à part quelques indemnisations, leurs revendications n’ont pas été prises en compte. Malgré tout, certains de leurs membres voulaient la vérité sur les violations commises par de présumés islamistes et que les coupables soient jugés. Cela ne pouvait être accepté du pouvoir, car des procédures judiciaires rigoureuses auraient ébranlé sa thèse d’un « terrorisme islamiste » seul responsable de la « décennie rouge », en mettant à jour l’implication du DRS dans la manipulation de ce terrorisme.
Le point commun entre les victimes, c’est leur revendication de vérité et de justice. Alors que les procès de « terroristes » étaient rares jusqu’en 2007, ils se sont multipliés depuis : des centaines de personnes ont ainsi été inculpées, jugées et condamnées, mais ont-elles réellement commis les crimes qui leur sont imputés ? Les enquêtes judiciaires préalables à ces procès n’ont toujours été que des simulacres et, par exemple, la plupart des dizaines d’assassinats politiques emblématiques des années 1990 n’ont pas été élucidés. En particulier ceux des journalistes Tahar Djaout (1993) et Saïd Mekbel (1994), du chef du syndicat national Abdelhak Benhamouda (1997), d’Abdelkader Hachani, numéro trois du FIS (1999), des moines de Tibhirine (1996) ou du chanteur Lounès Matoub (1998). De même, aucun des grands massacres n’a fait l’objet d’une investigation digne de ce nom. Quant aux plaintes pour torture ou enlèvement, elles n’ont jamais, à ce jour, été prises en compte par la justice algérienne. Certaines victimes ont bien essayé de faire inculper pour torture, en France, les généraux Khaled Nezzar (en 2002) et Larbi Belkheir (en 2003), mais leurs plaintes n’ont pas été reçues ou ont été classées sans suite, raison d’État oblige.
Depuis 1999, les autorités algériennes ont cherché à tourner la page de la décennie de sang et à présenter leur pays comme un État de droit, en proie à un terrorisme certes encore virulent, mais « résiduel ». Elles ont voulu faire croire à une pacification grâce à la loi de 1999 sur la « concorde civile » et à celle de 2006 sur la « réconciliation nationale ». L’une et l’autre stipulaient un abandon des poursuites de membres des groupes armés, l’exonération de leur peine ou leur libération de prison s’ils n’avaient pas participé à des massacres collectifs, des attentats à la bombe ou des viols. Mais les modalités d’application de ces dispositions étaient si imprécises que nombre d’observateurs ont estimé que les autorités avaient promulgué ces lois afin notamment d’exfiltrer leurs agents des maquis et de remercier les « repentis » collaborateurs issus des groupes armés. La seconde loi est considérée à juste titre comme une amnistie générale pour les membres des forces de sécurité « toutes composantes confondues », contre qui « toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l’autorité judiciaire compétente » (décret de mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale). S’ajoute à cela que toute déclaration non conforme à la version officielle de la « tragédie nationale » est devenue passible d’une peine de prison.
Pour tenter de faire taire les seules voix qui continuent en Algérie à réclamer publiquement la vérité et la justice, en l’occurrence les familles de disparus, l’État a enfin prévu des indemnisations en leur faveur, à condition qu’elles attestent du décès de leur parent et souvent de son appartenance à un groupe terroriste. Nombre de ces familles, découragées mais surtout démunies, ont accepté de se plier à ce diktat, mais certaines continuent leur combat de plus d’une décennie. À ce jour, quelque 6 400 personnes ont reçu une indemnité (de 6 000 euros en moyenne, soit l’équivalent de quarante mois du salaire minimum).
Face à cette situation, souvent considérée comme bloquée et désespérante, certains responsables d’associations de victimes de violations commises par l’État ou par les groupes armés se sont réunis en mars 2007 à Bruxelles pour constituer une « Coalition des associations de victimes » afin d’élaborer des revendications communes. Une initiative assurément positive, puisque, des années durant, tout avait été fait pour diviser les victimes et les dissuader de mener un combat commun.
Annonçant vouloir œuvrer à la mise en place d’une « Commission pour la vérité, la paix et la conciliation », la « coalition » n’a cependant pas défini une stratégie reprenant clairement les demandes de vérité et justice qui ont toujours été celles des victimes. Elle a certes précisé que cette commission devrait être « respectueuse des devoirs de justice, de vérité, de mémoire, de dignité et de réparation ». Mais, s’agissant de « justice », on doit comprendre qu’il s’agit d’une singulière « justice transitionnelle », puisque le mot ne figure pas dans l’intitulé de la commission à créer et que rien n’est dit sur l’éventualité de procédures judiciaires contre les responsables présumés de violations des droits de l’homme.
Faute de définir les conditions dans lesquelles une justice transitionnelle pourrait être envisagée, ce projet peut apparaître comme une simple réforme des propositions émises en la matière depuis 1999 par les décideurs algériens. Ceux-là mêmes, toujours au cœur du pouvoir, qui sont responsables des crimes contre l’humanité commis à leur instigation par les « forces de sécurité » et qui ont amnistié en pratique ceux perpétrés par les groupes armés se réclamant de l’islam. Ces décideurs ont en effet pratiqué à leur manière une sorte de « justice transitionnelle » en promulguant les trois lois de « clémence », de « concorde civile » et de « réconciliation » (1995, 1999, 2006). Le principal point nouveau revendiqué par la coalition est la recherche de vérité, objectif de fait absent pour les instances constituées par le pouvoir.
Tandis que le régime cherche donc à instaurer la paix et la réconciliation à coups d’oukases, la Coalition des associations de victimes semble, elle, préconiser implicitement le modèle de l’« Instance Équité et Réconciliation » (IER), mise en place au Maroc début 2004. Très controversée, celle-ci s’est contentée de répertorier les violations des droits humains commises entre 1956 et 1999 et de rédiger un rapport confidentiel, remis au roi Mohammed VI en novembre 2005. La version publique de ce rapport, elle, ne devait pas mentionner les noms des responsables de crimes et aucune sanction n’a été prévue contre eux. À défaut de justice, une attention particulière a été portée aux réparations en faveur des victimes, préoccupation que l’on retrouve à la fois dans le projet de la coalition algérienne et dans la loi de « réconciliation nationale ». La Coalition des associations de victimes semble ainsi favoriser une solution excluant toute intervention de la justice, ce que prétend justement imposer le pouvoir.
Et force est de constater que la coalition pèche également par son exclusivisme : ses organisateurs ont omis d’associer à leur initiative d’autres militant(e)s des droits humains qui continuent à juger essentielle la revendication de justice, en particulier ceux se revendiquant de l’islam politique, comme d’ailleurs toute personne soupçonnée – à tort ou à raison – de proximité avec ces derniers. Et cela alors même que la majeure partie des victimes des « années de sang » ont été des militant(e)s ou des sympathisant(e)s du Front islamique du salut (FIS).
En janvier 1995, les représentants de ces derniers étaient pourtant partie prenante de la « plateforme de Sant’Egidio », adoptée à Rome par l’ensemble des organisations politiques algériennes d’opposition partageant le « rejet de la violence pour accéder ou se maintenir au pouvoir », le « respect de l’alternance politique à travers le suffrage universel » et la « consécration du multipartisme », et proposant au pouvoir des « négociations » pour mettre fin à la « guerre civile ». Quinze ans après le rejet de ce programme par le pouvoir, comment pourrait-on croire aujourd’hui que l’éviction de ceux qui, se revendiquant de l’islam politique, affirment leur volonté de lutte pour les droits humains universels, puisse déboucher sur une « paix réelle et durable » ?

Conclusion

Si une justice transitionnelle doit intervenir en Algérie, elle ne pourra aboutir à des résultats satisfaisants pour une majorité de victimes qu’à la condition d’être mise en œuvre au cours d’une véritable transition politique vers la démocratie, perspective plus que jamais absente en 2010. Et à l’issue d’une négociation entre acteurs indépendants et intègres, de toutes obédiences, dans le but de trouver ensemble une sortie à la crise durable et acceptable par le plus grand nombre.

vendredi 17 décembre 2010

Le câble de WikiLeaks qui n’a été publié nulle part en Algérie : la corruption va jusqu’aux frères de Bouteflika

« Les frères du président Boutflika, Saïd et Abdelghani Bouteflika, sont de véritables rapaces » C’est ce qu’on lit dans le dernier câble de WikiLeaks daté du 16 décembre 2010, dévoilé hier soir par le quotidien espagnol El Pais, et qui a curieusement été « ignoré » en Algérie. Tout est parti d’une confidence, le 25 Janvier 2008, de Bernard Bajolet, ambassadeur de la France en Algérie (2006-2008), à son homologue et ami des USA, Robert Ford, avec lequel il est très lié depuis une expérience commune à Bagdad. «  La corruption a atteint le sommet le plus haut, en Algérie, et va jusqu'aux frères de Bouteflika. Elle touche désormais de nouveaux pics jamais atteints dans la hiérarchie du pouvoir et interfère avec le développement économique  qu’elle menace désormais". Ford et Bajolet ont évoqué la publication, dans le journal El Khabar, en septembre 2007, d'un article sur le scandale Khalifa dans lequel étaient impliqué deux (Said et Abdelghani) des trois frères de Buteflika et ont conclu que cette parution n’aurait pu se faire « sans la promesse de protection (...) du service d'intelligence algérien ". Si les deux frères sont « authentiques rapaces », les ambassades à Alger ne croient pas, par contre, que le président est « spécialement corrompu ».


Télécharger le document Wikileaks

Vers une grâce posthume de Billy the Kid

Cent-trente ans après sa mort, Billy the Kid, figure mythique de l'Ouest américain, pourrait bénéficier d'une mesure de grâce à titre posthume.
Le gouverneur démocrate du Nouveau-Mexique, Bill Richardson, a révélé jeudi qu'il étudiait un recours fondé sur une promesse que le gouverneur Lew Wallace aurait faite à Billy en échange de son témoignage dans un procès pour meurtre.
"Parce que je suis fasciné par le riche passé du Nouveau-Mexique, j'ai toujours été intrigué par l'histoire de Billy the Kid et, en particulier, par cette prétendue promesse de pardon qui lui aurait été faite", écrit Richardson dans un communiqué.
Le gouverneur démocrate entend prendre sa décision d'ici la fin de l'année, à l'expiration de ses deux mandats.
Billy the Kid, de son vrai nom Henry McCarty, a été abattu à bout portant par le shérif Pat Garrett en 1881. Il avait à peine vingt ans. Avant sa mort, les journaux, qui lui prêtaient 21 homicides, avaient déjà fait du jeune hors-la-loi une légende de l'Ouest.
Le mythe n'a cessé de grandir, d'abord par un livre écrit par Garrett. Puis la culture populaire américaine s'en est emparée, faisant de Billy the Kid le sujet de chansons, de romans et de films.

mardi 14 décembre 2010

WikiLeaks Qui détient le pouvoir en Algérie ?

Qui détient le pouvoir en Algérie ? Les militaires ou les civils ? Une poignée de généraux qui ont la haute main sur l'armée et les services de renseignements ou le président de la République élu au suffrage universel, Abdelaziz Bouteflika ?


La question continue à diviser les chancelleries étrangères tant le cœur du pouvoir à Alger est impénétrable depuis des décennies. Pour le chef de l'Etat algérien, la réponse est évidente : l'armée algérienne respecte "absolument" l'autorité d'un président qui est un civil et non un militaire. "Ça n'est pas du tout comme en Turquie", assure-t-il lors de  sa première entrevue avec le général William Ward, le chef de l'Africom, la structure de commandement américaine pour l'Afrique, en novembre 2009.
Lorsqu'il revendique devant son interlocuteur d'être au-dessus des militaires, le chef de l'Etat ne s'exprime pas en catimini. Trois généraux de l'Armée nationale populaire (ANP) assistent à l'entretien : celui en charge de la coopération et des relations extérieures, le général Nourredine Mekri, celui qui a le contrôle les transports et la logistique, le général-major Abdehamid Ghriss et, au-dessus d'eux, le ministre de la défense nationale et chef d'état-major, le général Ahmed Gaid-Salah.
"LA MAISON EST MAINTENANT EN ORDRE"
Le président algérien se pose en défenseur de l'armée. S'il admet volontiers qu'elle a pris le pouvoir en janvier 1992 pour empêcher les islamistes d'y accéder par les urnes, il n'y trouve rien à redire, au contraire. Selon le compte-rendu de la rencontre, obtenu par Wikileaks et consulté par Le Monde"M. Bouteflika a fait valoir que l'armée a été contrainte de prendre des mesures drastiques dans les années 1990 pour sauver le pays. Ce fut une période difficile, mais l'ordre constitutionnel a été restauré".
"La maison est maintenant en ordre, souligne-t-il. (...) La seule source de légitimité est la Constitution. Tout le monde peut être candidat à l'élection, conformément à la Constitution, même un général. Il marque une pause, sourit et dit: 'Mais les généraux ont pris la mesure des difficultés et aucun d'entre eux ne s'est encore porté candidat.'"
Dans son commentaire, le diplomate américain note que les généraux présents à l'entretien n'ont pas bronché lorsque M. Bouteflika a affirmé : "Maintenant les militaires obéissent aux civils." Mais il se garde bien de dire s'il a été convaincu par le propos du chef de l'Etat algérien.

jeudi 25 novembre 2010

Si Obama ne peut pas polluer, autant démissionner

Obama pourrait faire un effort. Et circuler avec un avion un brin moins gourmand que son gros Boeing «Air Force One». (Mais, si un Américain ne tenait pas à en avoir un plus gros que les autres, ce ne serait pas un Américain.)
A en croire un verdict écolo tombé hier, Obama est même, question déplacements, le pire président pollueur de la planète. De janvier à octobre 2010, il a volé 150 000 km dans les cieux américains, 50 000 dans d’autres moins étoilés, et a dégagé «20  000 tonnes équivalent CO2», comme on dit sans savoir ce que c’est. Les autres puissants sont loin derrière: 7100 tonnes pour le Mexicain Calderón (2e). 7000 pour l’ex-président brésilien Lula (3e). Ou 2900 pour Sarkozy, 6e.
Goutte dans l’océan
Passionnant. Mais remettons les choses à plat. L’empreinte écologique obamienne ne représente pas un milliardième de celle de son pays. Et il s’est ramassé aux élections de mi-mandat en volant d’Etat en Etat avec son coucou pour tenir des meetings. Qu’est-ce que ça aurait été s’il avait dû voyager à vélo ou en pédalo!

mardi 16 novembre 2010

Où sont détenus Othmane Abdellahoum et Rachid Kebli, enlevés en octobre 2010 ?

Algeria-Watch, 14 novembre 2010
Enlevés respectivement les 16 et 18 octobre 2010, Othmane Abdellahoum et Rachid Kebli, les deux dernières victimes de disparition forcée recensées en Algérie, restent à ce jour introuvables. Il n’y a aucun doute sur l’identité des auteurs de leur kidnapping : encore une fois, le mode opératoire habituel des agents de la police politique, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), permet de leur attribuer ces deux actions.
16 octobre 2010, 19 heures, Aïn Al-Hadjel (wilaya de Msila) : plusieurs hommes armés arrêtent Othmane Abdellahoum, 32 ans, marié et père de deux enfants, à la sortie de son domicile, avant de l’emmener vers une destination inconnue. En février 2007, Othmane Abdellahoum avait déjà été enlevé par le DRS, détenu dans un lieu secret pendant deux semaines et torturé avant d’être présenté devant le parquet du tribunal de Msila, qui l’avait placé alors en détention provisoire. Déféré devant le tribunal de Msila, il avait été acquitté en novembre 2007 et libéré.
18 octobre 2010, 11 heures, Maghnia (wilaya de Tlemcen) : quatre individus en civil, sans un mot, ordonnent sous la menace de leurs armes à Rachid Kebli, un ouvrier de 30 ans arrêté sur son lieu de travail, de monter dans une voiture banalisée immatriculée à Alger (située à 600 kilomètres de là). Le 12 juin 2007, Rachid Kebli avait déjà été enlevé par le DRS, détenu dans un lieu secret pendant quatre mois et torturé avant d’être présenté devant le parquet du tribunal d’Alger, qui l’avait placé alors en détention provisoire. Acquitté par le tribunal criminel d’Alger le 21 mai 2008, il avait été maintenu illégalement en détention avant d’être finalement libéré en décembre 2008.
Dans les deux cas, c’est ensuite l’inconnu… ou plutôt la détention dans l’un des innombrables centres de détention secrète contrôlés par le DRS. Commence alors l’interminable quête des familles qui se rendent à la brigade de gendarmerie ou au commissariat local, puis entreprennent d’innombrables démarches au palais de justice, où même la plus haute autorité judiciaire, le procureur général, est bien incapable de donner des informations sur le lieu de détention de la victime.
Contrairement aux assertions répétées des autorités gouvernementales, les victimes de ces enlèvements par les services du DRS sont bel et bien transférées dans des centres secrets placés hors du contrôle de l’administration judiciaire censée les contrôler. En dépit des dénégations officielles, relayées par le président de l’Institution nationale des droits de l’homme (la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme), Me Farouk Ksentini, et par le chef de la mission permanente algérienne auprès de l’ONU, M. Driss Al-Jazaïri, force est de constater une nouvelle fois que les centres de détention secrète où des victimes de disparition sont torturées et détenues pour des périodes indéterminées existent toujours en Algérie.
Depuis les années 1990, les nombreux témoignages de personnes détenues au secret ont permis de répertorier des dizaines de centres contrôlés par le DRS, à tous les échelons de la hiérarchie, des antennes locales aux centres territoriaux de recherche et d’investigation (CTRI) dans chacune des six régions militaires, jusqu’au cœur de la « machine de mort » située à Alger, à Ben-Aknoun, le fameux « Centre Antar ». Les milliers de « disparus » des années 1990 sont passés en grand nombre par le labyrinthe de ces centres, où ils ont subi d’atroces tortures avant d’être assassinés.
Aujourd’hui, les victimes sont souvent enlevées directement par des agents du DRS du Centre Antar, où ils sont détenus dans des conditions inhumaines et soumis à des tortures. Ils réapparaissent en prison en tant qu’accusés de « soutien au terrorisme », sur la base d’aveux soutirés par la force. S’ils sont libérés, ils sont munis d’un document attestant une garde à vue légale de douze jours ou d’une détention administrative. Dans tous les cas, ils ont subi des menaces afin qu’ils ne témoignent pas des tortures subies.
Algeria-Watch dénonce une nouvelle fois ces graves violations des droits de l’homme de la part de l’État algérien, demande la libération immédiate de Othmane Abdellahoum et Rachid Kebli et appelle les instances internationales compétentes, en particulier le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de l’ONU, à intervenir auprès de l’État algérien pour qu’il mette fin aux disparitions forcées à et aux détentions arbitraires dans des lieux secrets.

dimanche 7 novembre 2010

Les relations algéro-italiennes au centre de la lutte des clans du Pouvoir algérien


Renvoyé depuis 2008, le second Sommet algéro-italien aura-t-il lieu un jour? La question taraude les milieux diplomatiques et le contexte aussi bien algérien qu’italien n’est pas propice à une relance effective des relations entre les deux pays.
On se souvient que le Premier ministre italien Silvio Berlusconi avait annulé sa visite en Algérie prévue pour le 19 octobre dernier. Officiellement, la raison évoquée était la méforme de Berlusconi qu’on disait toujours en convalescence après une intervention chirurgicale qu’il avait subie suite à une tendinite à la main gauche.
Une explication qui n’a pas convaincu grand monde puisque les protocoles d’organisation des visites de Chefs d’Etat requièrent un minimum de prévoyance et d’anticipation et les dates annoncées ne peuvent être annulées ou reportées au dernier moment, sauf pour des imprévus, ce qui n’est pas le cas pour la visite d’El-Cavalièré.
Du coup, l’affaire a vite pris les allures d’une «crise» entre Alger et Rome et les spéculations vont bon train. Dans les milieux diplomatiques, ce énième report du Sommet algéro-italien est perçu comme un dommage collatéral de l’enquête et du procès attendu de l’affaire Sonatrach. En effet, dans les scandales de Sonatrach, les firmes italiennes ont souvent été citées comme partie prenante aux présumées magouilles ayant entaché le processus d’attribution de marchés publics.
Le cas de la firme «Saïpem» est saisissant à cet égard avec un scénario à la hollywoodienne marqué par des attributions forcées de marchés publics déjà octroyés à d’autres entreprises, du favoritisme inexplicable et une escapade plus que douteuse de son patron Tullio Orsi qui a bien pris le soin de vider les caisses de son entreprise avant de rallier l’Italie.
Dans son livre «Histoires secrètes du pétrole algérien», Hocine Malti parle bien du cas «Saïpem». Il y raconte, notamment, que la firme italienne avait raflé, en Algérie, pour près de 20 milliards de dollars de contrats publics en moins de 3 ans. Une épopée tout à fait douteuse pour une société qui s’est installée en Algérie en 2005.
M. Malti explique aussi comment «Saïpem» s’est vu attribué un marché déjà accordé à la firme nippone JGC et comment cette dernière a du se plier à la volonté algérienne en contrepartie d’un autre projet. L’auteur explique qu’une telle accumulation de contrats et un tel favoritisme ne pouvaient qu’attirer l’attention du clan adverse, comprendre celui du DRS et du Général Toufik.
«Saïpem» a-t-elle servie de moyen de détournement à certains proches du clan présidentiel ? Le DRS veut-il capoter les relations entre Alger et Rome à cause d’une lutte d’influence sur le contrôle de la rente ? Tous les coups sont permis dans un contexte particulièrement agité, marqué par des luttes claniques au sein du pouvoir en préparation de l’après Bouteflika …

jeudi 30 septembre 2010

Filmé au lit avec un garçon, il se tue

Filmer peut tuer, vient rappeler un fait divers qui fait grand bruit ce jeudi aux Etats-Unis. Sur le campus de l’université de Rutgers, près de New York, deux étudiants s’étaient amusés pour bien commencer l’année à filmer et mettre en ligne les ébats homosexuels d’un de leurs camarades. « Je l’ai vu embrasser un mec. Yay. » écrivait le 19 septembre l’un des mouchards, Dharun Ravi, sur son compte twitter (les tweets ont été effacés depuis mais gawker les a retrouvés). Et Dharun de donner rendez-vous aux voyeurs pour le soir même : il avait promis à son camarade de chambrée de lui laisser la pièce jusqu’à minuit et s’attendait à un nouveau live show. 
Trois jours plus tard, Tyler Clementi, l’étudiant espionné, âgé de 18 ans, a laissé sur sa page Facebook un dernier message : « je vais sauter du pont gw, désolé ». Sa voiture et ses papiers ont été retrouvées près du pont George Washington, qui relie New York au New Jersey. Deux témoins ont vu une personne se jeter du pont ce soir là. Un corps vient d’être retrouvé. Mercredi, les parents de Tyler ont confirmé le décès, rappelant que leur fils était aussi un violoniste de grand talent. 
Deux étudiants soupçonnés d’avoir ainsi Tyler à se tuer ont été arrêtés, inculpés puis relâchés sous caution. Outre Dharun Ravi, il s’agit d’une autre jeune étudiante de première année, Molly Wei, 18 ans, dans la chambre de laquelle Dharun retransmettait les ébats de son camarade de chambrée. Tous deux encourent une peine maximale de cinq ans de prison pour « violation de la vie privée ».
Les associations de défense des homosexuels rappellent que cette histoire n’a rien de rare. 9 étudiants homo ou bisexuels sur 10 se disent victimes de tentatives d’intimidation lors de leurs études, avait montré une étude du Gay, Lesbian and Straight Education Network en 2007. Les jeunes homos ont aussi quatre fois plus de risques de se suicider que leurs camarades hétérosexuels, indique une autre étude réalisée au Massachusetts. Le site Democracy Now! a compté quatre suicides de jeunes étudiants harcelés à cause de leur homosexualité, rien que ce mois-ci.

vendredi 3 septembre 2010

Les citoyens ne sont pas surveillés mais protégés

Le système de télésurveillance adopté au niveau de la capitale ne porte en aucun cas atteinte aux libertés individuelles», a déclaré le chargé de la communication de la sûreté de wilaya d’Alger en marge d’une conférence de presse animée hier au siège de la sûreté de wilaya.
En réaction à la gêne manifestée par certains citoyens vis-à-vis des caméras de surveillance, ce responsable rassure du fait que les caméras sont utilisées essentiellement pour sécuriser.
Dans ce sillage, le responsable affirme que l’intimité des personnes est préservée. «Les citoyens ne sont pas surveillés, mais ils sont plutôt protégés. On ne fixe pas notre surveillance sur les personnes. De plus, notre système de surveillance ne peut pas accéder à l’intérieur des maisons», a-t-il précisé. Selon ses dires, le système de télésurveillance ne dévoile pas l’intimité des personnes à l’intérieur de leurs foyers. Dès qu’il s’agit de révéler ce genre d’images «la caméra est rendue floue automatiquement», a déclaré notre interlocuteur. Revenant sur l’objectif visé par ce projet qui est toujours en cours, ce chargé de la communication insiste sur le fait que le projet s’inscrit dans le cadre de la protection et de la sécurisation de la population de la capitale. «On ne l’appelle plus le système de télésurveillance, mais système de téléprotection. C’est un projet qui sera renforcé de jour en jour.
Il y a plusieurs moyens utilisés pour protéger les gens, parmi eux figurent les moyens technologiques tels que les caméras», a expliqué ce responsable de la communication. Par ailleurs, une autre question qui s’impose est celle relative à la présence en force des agents de police dans les différents quartiers d’Alger, y compris dans les endroits où les caméras sont fixées. Lors du début de l’installation de ces caméras, les citoyens s’attendaient à la réduction du nombre de policiers activant sur le terrain. Toutefois, la situation est toujours la même. Bien au contraire, le nombre d’agents de police s’est multiplié pendant ce mois de Ramadhan. D’après notre interlocuteur, les caméras de surveillance ne peuvent en aucun cas se substituer aux agents de police. «C’est le policier qui intervient sur le terrain. Cela n’est pas visible à l’étranger, mais la présence de l’élément humain est indispensable. Il y a une coordination entre ceux qui surveillent les caméras et les éléments qui sont sur le terrain. C’est un maillage de la capitale à travers ce dispositif», a-t-il révélé. Il mettra l’accent sur l’efficacité de ce système. «Pendant le Ramadhan, nous avons arrêtés au niveau de la rue Hassiba Ben Bouali un groupe spécialisé dans l’effraction des magasins de vente de téléphones portables grâce aux caméras mises en place. 

Djedjiga Rahman

Découverte

La principale richesse de l'Algérie, son pétrole et son gaz, n'est plus source de bonheur pour son peuple. La volonté d'accaparement de la rente pétrolière par ses dirigeants, politiques et militaires, a plongé des pans entiers de la société dans la misère, tandis que les jeunes n'ont qu'une envie : quitter le pays. Afin de pérenniser leur pouvoir, ces dirigeants ont mis en place, derrière une démocratie de façade, un régime qui ne repose que sur deux piliers : la corruption et la police politique.
Pour comprendre comment l'Algérie en est arrivée là, il est essentiel de connaître la dimension la plus ignorée de son histoire contemporaine : celle de son pétrole. C'est cette histoire que brosse dans ce livre Hocine Malti, qui participa comme jeune ingénieur à la création de l'entreprise algérienne des pétroles, la Sonatrach. Montrant comment les premières découvertes de gaz et de pétrole sahariens en 1956 ont conduit la France à prolonger de plusieurs années la conclusion de la guerre d'indépendance, il révèle aussi les dessous de la collaboration conflictuelle entre sociétés pétrolières françaises et le jeune État algérien dans les années 1960, jusqu'à la nationalisation de 1971 par Boumediene.
Riche de détails inédits et d'expériences vécues, ce livre explique comment les dirigeants d'un des pays leaders du tiers monde ont mis ensuite à profit la manne pétrolière pour garnir leurs comptes en banque et acheter le silence des grandes démocraties sur les dérives du régime, tuant ainsi dans l'œuf toute tentative d'expression démocratique en Algérie. Et comment les milliards de dollars des hydrocarbures sont toujours aujourd'hui au cœur des règlements de comptes permanents entre les différents clans du pouvoir.
Hocine Malti, ingénieur des pétroles, a participé à la création de la Sonatrach, dont il a été vice-président de 1972 à 1975. Conseiller du secrétaire général de l'OPAEP (Koweït) de 1975 à 1977, puis directeur général de l'Arab Petroleum Services Company (Tripoli) jusqu'en 1982, il est aujourd'hui consultant pétrolier.
Collection : Cahiers libres – 360 pages – 21 €
En librairie à partir du 2 septembre 2010 (En France pas en Algérie)

jeudi 2 septembre 2010

Irak, Bush, Brown : dans ses mémoires, Blair enfonce le clou


Alcool, sexe, règlements de comptes. Trois ans après avoir quitté le pouvoir, l'ancien premier ministre britannique publie ses mémoires, qui alternent entre ragots et cours magistral. Tony Blair défend son bilan. Il persiste et signe sur l'Irak, tacle son ex-meilleur ami Gordon Brown et ne tarit pas d'éloges sur son successeur conservateur David Cameron.
Depuis 2007, Tony Blair avait (presque) disparu du paysage britannique. Occupé à parcourir la planète, avec ses multiples casquettes d'émissaire onusien, d'avocat des bonnes causes et de consultant grassement rémunéré, il se montrait particulièrement discret dans son propre pays.

Les Britanniques sont toujours fascinés par Tony Blair

Aujourd'hui, avec la publication de ses mémoires, « A Journey » (« Un Voyage »), il fait un retour fracassant sur le devant de la scène. Son regard bleu acier s'étale à la une de tous les journaux. Il a donné à la BBC sa première interview télévisée depuis son départ du 10, Downing Street. Et quelques heures après sa sortie, le livre est déjà en tête des ventes sur Amazon.
L'ancien Premier ministre et son éditeur ont savamment entretenu le suspense autour de l'ouvrage, dont aucun extrait n'a filtré avant sa mise en vente simultanée dans plus de dix pays. C'est un pavé de 718 pages, au style direct, parfois approximatif, souvent naïf, par moments donneur de leçons.
L'auteur prend la peine de préciser qu'il a tout écrit, de la première à la dernière ligne. Comme pour se distancer du personnage peu flatteur qu'il a inspiré à Roman Polanski dans son film « Ghost Writer », qui met en scène un ancien premier ministre britannique (Pierce Brosnan) poursuivi par la justice internationale pour torture, alors qu'il est occupé à faire écrire ses mémoires par un nègre (Ewan McGregor).
Le tapage médiatique autour de livre témoigne de la fascination que continue à exercer Tony Blair au Royaume-Uni, où il séduit autant qu'il agace. Morceaux choisis, de l'Irak à la rivalité avec Gordon Brown, en passant par le gin tonic et le sexe.

Irak : « Je ne peux pas regretter »

Si c'était à refaire, Tony Blair n'hésiterait pas une seconde. En engageant son pays aux côtés des Etats-Unis dans l'aventure irakienne, l'ancien Premier ministre s'est aliéné l'opinion britannique. Mais il n'exprime ni remords, ni regrets :
« Je continue à penser que laisser Saddam Hussein au pouvoir présentait un plus grand risque pour notre sécurité que de le renverser. Je ne peux pas regretter la décision d'entrer en guerre.
Les renseignements sur les armes de destruction massive se sont révélés incorrects. Comment cela est arrivé reste un mystère.
Ce que je peux dire, c'est que jamais je n'ai pressenti le cauchemar qui allait suivre et cela aussi fait partie de la responsabilité. […] La vérité, c'est que nous n'avons pas anticipé le rôle d'Al-Qaïda ou de l'Iran. »
Loin d'amorcer une autocritique, Tony Blair, au contraire, enfonce le clou. Dans son interview à la BBC, il compare l'Irak de 2003 à l'Iran de 2010. Il va même jusqu'à préconiser le même remède :
« Avec l'Iran, nous avons exactement le même problème. Nous devons nous préparer à les affronter, militairement si nécessaire. Il n'y a pas d'alternative. »

Georges Bush : « Un véritable idéaliste »

Après l'invasion de l'Irak, Tony Blair a parfois été surnommé « le caniche de Bush ». Sa description du président américain ne fait rien pour effacer ce sobriquet :
« L'une des caricatures les plus grotesques à propos de George, c'est qu'il serait un illustre crétin arrivé à la présidence par hasard.
J'en suis venu à [l']aimer et à [l']admirer. […] C'était, d'une façon bizarre, un véritable idéaliste, […] d'une grande intégrité. »

Gordon Brown : « Exaspérant »

Depuis trois ans, Tony Blair s'est retenu de tout commentaire sur son successeur au poste de Premier ministre, Gordon Brown, qui avait été pendant dix ans son ministre des Finances. Aujourd'hui, il se lâche. L'animosité entre les deux anciens meilleurs amis va bien au-delà de tout ce qu'on pouvait imaginer :
« Etait-il difficile, parfois exaspérant ? Oui. Mais il était aussi fort, compétent et brillant, et je n'ai jamais cessé de respecter ces qualités.
Calcul politique, oui. Sentiments politiques, non. Intelligence d'analyse, absolument. Intelligence émotionnelle, aucune. »
Juste avant le passage de relais entre les deux hommes, les relations étaient tellement tendues que Tony Blair ne prenait plus Gordon Brown au téléphone. La seule chose qui l'a dissuadé de se débarrasser de cet encombrant rival, explique-t-il dans un aveu de faiblesse, c'est qu'il le jugeait plus nuisible à l'extérieur qu'à l'intérieur du gouvernement.
Avec Gordon Brown comme Premier ministre, les travaillistes couraient au « désastre », affirme aujourd'hui Tony Blair, quatre mois après le retour de la droite au pouvoir. Il tire à boulet rouge sur la politique de relance menée par son successeur. Il applaudit en revanche la campagne du Premier ministre conservateur David Cameron pour réduire les déficits :
« Si les travaillistes se contentent de dénoncer les coupes budgétaires des Tories et des “collabos” lib-dem, ça sera peut-être payant à court terme, mais ils perdront toute possibilité de revenir au pouvoir.
Il faut admettre que, depuis 2005, nous n'avons pas fait suffisamment d'efforts pour réduire les déficits structurels. Le danger pour le Labour est maintenant de dériver encore plus loin vers la gauche. »

« J'ai l'âme d'un rebelle »

Les bons conseils de Tony Blair tombent à point nommé, alors que le vote des militants pour désigner le nouveau chef du parti travailliste débute le jour même de la parution de ses mémoires.
Aucun des cinq prétendants en lice n'accueille d'un bon œil les recommandations de l'impopulaire ex-Premier ministre. Pas même le favori, David Milliband, pourtant présenté comme son héritier. Les conservateurs au pouvoir, au contraire, se félicitent des bons points qu'il distribue à l'actuel gouvernement de coalition.
Tony Blair est-il de gauche ? L'artisan de la « troisième voie », si décriée en France par Lionel Jospin, se plaît à brouiller les pistes :
« C'est vrai que ma tête peut parfois pencher du côté conservateur, spécialement sur l'économie ou la sécurité ; mais mon cœur bat toujours du côté des progressistes, et mon âme est, et sera toujours, celle d'un rebelle. »

« Gin tonic avant le dîner »

Tony Blair n'est pas infaillible. Pour tempérer la tonalité générale à l'autosatisfaction de ses mémoires, il a cru bon de les pimenter de quelques confidences sur ses vices supposés. Pour échapper au stress de la fonction, et notamment à ses relations tumultueuses avec Gordon Brown, l'ancien Premier ministre confesse avoir abusé de la bouteille quand il était à Downing Street :
« Un whisky sec ou un gin tonic avant le dîner, deux verres de vin ou même une demi-bouteille au dîner. Donc, rien d'excessivement excessif. J'avais une limite. Mais j'étais conscient que c'était devenu une dépendance. »

« Le sexe et la politique, c'est étrange »

Quand il apprend le décès du leader travailliste John Smith, le 12 mai 1994, Tony Blair sait que son heure a sonné. Avant de partir à la conquête du parti, il raconte sans pudeur la nuit torride qu'il passe avec son épouse :
« J'avais besoin de l'amour que Cherie me donnait. Je l'ai dévorée pour me donner de la force, j'étais un animal suivant mes instincts, tout en sachant qu'il me faudrait tout le pouvoir émotionnel et la capacité de résistance pour faire face à ce qui allait venir. »
Relatant les aventures extraconjugales d'un de ses ministres, il évoque le contrôle permanent auquel est soumis tout homme politique. Puis il se laisse aller à une mystérieuse digression :
« Il y a cette rencontre, tellement excitante, tellement coquine, qui échappe à tout contrôle de soi. Tout à coup, vous êtes transporté hors de votre monde d'intrigues et de machinations sans fin, de sérieux qui s'ajoute au sérieux, et vous vous retrouvez sur une île du plaisir, loin de tout, libre. »
« Le sexe et la politique, c'est étrange », concède Tony Blair. Avant de revenir à la réalité pour dénoncer un comportement « stupide » et « irresponsable ».

Michael Douglas: pire que prévu

L'acteur a reconnu au cours d'un show télévisé souffrir d'un cancer de la gorge au stade 4. A l'issue souvent mortelle. Michael Douglas parle de son cancer.
Tout sourire comme s'il participait à n'importe quelle émission «Late Show» de David Letterman! Pourtant, les propos de Michael Douglas, 65 ans, mardi soir, n'avaient rien de rassurant: l'acteur a confié qu'il souffrait d'un cancer à la gorge de stade 4. En clair, cela signifie que les métastases ont déjà quitté leur lieu d'origine.
Le pronostic vital restant des plus réservés.
Mais Michael Douglas, avouant que sa maladie était due à l'alcool et au tabac, a donné aussi une version optimiste du mal qui le ronge. «Je suis un traitement par rayons et une chimiothérapie depuis une semaine. J'enregistre déjà des progrès.»
Comme pour mieux exorciser les démons, le mari de Catherine Zeta-Jones a insisté sur le fait que, dans le cas d'une tumeur à la gorge, «les pourcentages de guérison sont bons. Il semble que ce soit 80%.»
En forme pendant l'émission
A la question de savoir comment il faisait pour avoir l'air en forme pendant l'émission, l'acteur a répondu avec panache: «Mais je suis sur scène!»
De son côté, l'épouse de l'acteur a reconnu dans une interview accordée à American TV que «Michael était tout le temps très fatigué, lui qui ne l'était jamais».

Wikipédia révèle le secret de « La Souricière » d'Agatha Christie


L'encyclopédie en ligne vient de dévoiler l'identité du meurtrier de « La Souricière », une pièce de théâtre de la romancière britannique Agatha Christie. Cette révélation fait trembler les planches de la scène du Saint Martin's Theatre, le théâtre londonien qui joue la pièce depuis 1952 et qui demande à ses spectateurs de ne pas révéler le dénouement de l'intrigue.
Depuis plus de trente ans, cette petite salle nichée au cœur du West End propose à ses spectateurs une pièce unique, « The Mousetrap », tout droit sortie de l'imaginaire d'Agatha Christie, reine de l'intrigue sauce british. Ecrite en 1947, « La Souricière » (titre français) est une œuvre inspirée d'un vieux fait divers : la mort, en 1945, d'un jeune homme alors qu'il séjournait chez des fermiers du Shropshire.
Tripatouillant l'affaire, Agatha Christie en fît une pièce moulée parfaitement pour un bon vieux Cluedo en mettant en scène plusieurs personnages sous le toit d'un vieux manoir. Naturellement, l'un d'eux meurt ; naturellement, le meurtrier est parmi le reste de la bande. Ça sent fort le pudding, le chandelier du Colonel Moutarde, le valet de chambre victorien et la moustache de Poirot. Comme on aime.

Pour préserver le secret, un seul théâtre joue la pièce

Rédigée au départ pour être racontée sur les ondes de la BBC, la pièce a finalement été adaptée pour le théâtre en 1952 à Londres, avec notamment Richard Attenborough au casting, mais n'a pas été publiée en Grande-Bretagne.
Depuis, la pièce a été jouée près de 24 000 fois dont une bonne partie sur les planches du théâtre de Saint Martin, qui a acquis ses droits « exclusifs » en 1974. En clair, la pièce ne peut être jouée qu'une fois par an hors les planches du théâtre de West End. Le motif de cette clause : protéger le secret de l'intrigue de « La Souricière ».
Pour préserver au mieux le nom du meurtrier, le Saint Martin's Theatre a recours à un procédé encore plus subtil. A chaque représentation, le public donne son accord pour ne pas révéler les ressorts de la pièce. Une condition qui permet de ne jamais tarir la source de nouveaux spectateurs.
Voguant tranquille sur son succès, le théâtre subit aujourd'hui les maudites affres de l'Internet. Sur le site Wikipédia, la fiche référençant la pièce met à mal le fameux secret en lançant quelques perches permettant de trouver facilement le nom du coupable.
Extrait de la forfaiture dans la version anglophone de la page Wikipédia :
« A la faveur d'un retournement de situation, le meurtrier se révèle être X [nous vous épargnons ici le nom du Mauvais, ndlr] qui en réalité n'est pas un _______ mais un tueur fou dont l'unique but est de venger la mort de son frère. »
Comme une pique adressée à la direction du théâtre Saint Martin, la note explique bien au préalable que « traditionnellement, à la fin de chaque représentation, il est demandé au public de ne pas révéler l'identité du meurtrier. »
L'affaire fait tressaillir le théâtre londonien, tant et si bien que Matthew Pritchard, petit-fils et unique héritier d'Agatha Christie, a demandé à Wikipédia de retirer le brûlant passage de la note :
« Cela a toujours dérangé ma grand-mère de voir que les fils de ses intrigues puissent être révélés dans les journaux -et je ne pense pas que cette situation soit vraiment différente. C'est dommage qu'une publication, si je peux l'appeler ainsi, gâche le suspense de la pièce. »
Le quotidien The Independent, qui relaie les propos du légataire d'Agatha Christie, indique par ailleurs qu'une pétition a été lancée pour demander à ce que Wikipédia retire les lignes incriminées.

Pour Wikipédia, il suffit de « ne pas lire la partie concernée »

De son côté, Wikipédia ne semble pas sourciller face à ces critiques. Pour un dirigeant de l'encyclopédie en ligne :
« Notre objectif est de récolter et de divulguer des connaissances et, dans ce cas, il est extrêmement facile de contourner la vérité sur l'assassin : il suffit de ne pas lire la partie concernée. Demander à Wikipédia de ne pas révéler l'intrigue équivaut à demander à un libraire de retirer de ses rayons les copies de “La Souricière” sous prétexte qu'on pourrait y aller pour lire le final. »
En attendant, pour ceux qui préfèrent ménager le suspense avant d'éventuellement faire le trajet jusqu'à Londres pour voir la pièce, la page française de Wikipédia ne donne aucun indice sur l'identité du meurtrier. 

mercredi 1 septembre 2010

Le Chinatown de la banlieue d'Alger crée des « embrouilles »


Boutique China numéro 152, dans la cité de Boushaki, à Bab Ezzouar, banlieue populaire d'Alger. Une Chinoise sort de son échoppe pour balayer l'entrée. Soudain, une bande d'ados locaux surgit de nulle part et s'en prend à la femme, apeurée : « Donne-moi un bisou », crie la dizaine de jeunes excités. « Voulez-vous coucher avec moi, madame la Chine ? », ajoutent-ils dans un éclat de rire.
Mounir, 17 ans, tente de lui voler un baiser. La Chinoise, la quarantaine, prise de panique, se défend en utilisant le manche de son balai. Elle invite les jeunes à la laisser tranquille. Sinon ? « Ça va mal se finir », prévient-elle en « chinarabe », un mélange de mandarin et d'arabe. Des insultes fusent de part et autre. La commerçante se réfugie finalement dans sa boutique et ferme son immense porte. Devant le nez des adolescents qui continuent à l'insulter.
Scène de tension quasi ordinaire dans le premier Chinatown du monde arabe, où les altercations sont régulières. « Je ne sors jamais sans mon couteau », témoigne le maçon Chu Jung, arrivé en Algérie il y a trois ans.
« Je n'ai pas peur du terrorisme islamique, mais des agressions gratuites dont la communauté chinoise est victime. »
Reste que ce Chinois de 34 ans, qui a quitté son Guangzhou natal, ne regrette pas d'avoir posé ses valises à Alger.
« Les Algériens sont racistes, mais mes affaires marchent du tonnerre ! Dommage que cette violence transforme ce petit paradis du business en enfer. »
Il y a quelques mois, des heurts dans la cité, où les immeubles poussent comme des champignons, ont failli se terminer en bataille rangée. L'ambassade de Chine a rapidement réagi et demandé aux autorités algériennes d'assurer la sécurité et la surveillance de ce gros village abritant plus de 300 familles chinoises.
Résultat : des Chinois reclus dans leur quartier, des Algériens qui veulent les déloger et des patrouilles de police omniprésentes.
Une pure perte, estime Samia. Pour cette Algéroise de la cité Boushaki, l'animosité ne fait que s'intensifier :
« Cela ne fait plus rire personne ici. On ne comprend d'ailleurs pas d'où sortent tous ces migrants asiatiques. Qui leur donne les permis de séjours et les autorisations pour ouvrir des commerces ? Pourquoi louent-ils à des prix exorbitants toutes les surfaces habitables ? »
Mais combien sont-ils ? Les autorités algériennes avancent le chiffre de 40 000 immigrés chinois dans le pays, notamment sur les chantiers de construction. En réalité, ils sont beaucoup plus nombreux. Les médias algériens avancent le chiffre de 100 000 personnes et leur présence est mal comprise dans une Algérie en panne, où le chômage touche 70% des moins de 30 ans.

Et combien de ces immigrés asiatiques résident à Boushaki, une rue bordée d'immeubles et de commerces, perdus au milieu de ce quartier de 100 000 habitants ? Les autorités ne le savent pas. Samia, elle, a sa petite idée : « Ils sont plus de mille. »

Reste qu'ils sont discrets. Dans ce quartier chinois, pas de pagode, ni de lampions rouges… Seuls quelques idéogrammes chinois inscrits en noir sur des murs en briques indiquent la présence d'une communauté étrangère dans cette rue crevassée où les immeubles décrépis succèdent aux boutiques « made in China ».
On y trouve de tout : des pantalons, des sacs à main, des tissus, des appareils ménagers, des sous-vêtements féminins, des jouets pour enfants, des porte-clés, des réveils, des chaussures, de la vaisselle…
Les magasins sont presque tous aux mains de commerçants originaires du sud de la Chine. Les échoppes ressemblent à des entrepôts où une foule d'Algériens cherchent la bonne affaire.
Boutique China numéro 99. Là vit un couple chinois avec un bébé de 6 mois. Sur les murs de leur large magasin sont accrochés des chemises et des rideaux de toutes les couleurs. Au fond de la pièce, deux machines à coudre industrielles prêtes à avaler le tissu. Dans le local, tout est à vendre.
Chez les Ning, le client est au paradis du pas cher. La chemise est cédée à 600 Dinars (6 Euros) alors que dans les souks d'Alger, le même produit coûte six fois ce prix.
Comme les Ning, les commerçants chinois sont très jeunes, ne parlent ni le français ni l'arabe. Lorsqu'un client pénètre dans le magasin, la conversation se résume à quelques gestes de la main. L'un désigne le produit qui l'intéresse ; l'autre griffonne le prix sur un bout de papier. Eventuellement, le dialogue se poursuit autour d'une liasse de dinars. Le paiement se fait toujours cash. Et les grossistes, comme les petits clients, affluent de toute l'Algérie.

Boutique China numéro 55. Lin Yong vend des chaussures et des sacs à main griffés « Giorgio Asmani », « Brada » ou « Louis Fuitton ». « L'imitation est grossière, mais payer un sac 900 Dinars (10 Euros), ça reste une aubaine », reconnaît Dahbia, qui est devenue une inconditionnelle du shopping chinois. Pour cette enseignante, les boutiques chinoises vendent des produits à des prix imbattables.

« Mais les Chinois ne m'inspirent pas confiance. C'est toujours embrouilles et magouilles. »
C'est faux, se défend Lin Yong :
« On sait que les Algériens ne nous aiment pas beaucoup. Mais on va leur donner du temps pour apprendre à nous connaître. On ramène de l'abondance à ce pays. »

 Bai Lee va plus loin. « On va retaper ce quartier », s'enthousiasme ce jeune homme qui étudie la langue arabe à Alger et travaille comme intermédiaire entre hommes d'affaires algériens et chinois.
« On va tout reconstruire, il faut absolument faire découvrir aux Algériens la culture et surtout la cuisine chinoise. Dans quelques années, ce sera ici le plus beau Chinatown du monde arabe. Beaucoup d'argent a déjà été investi. Il y aura des restaurants et des bars très bientôt. Ce sera la Chine dans toute sa splendeur. »
Chu Jung abonde tout en comprenant très bien la surprise des Algériens.
« Ils ne voient des Chinois que depuis cinq ans. Même moi, j'ai vécu un choc en arrivant dans cette société musulmane. Il faut toujours trouver la bonne langue pour communiquer. Parfois c'est difficile. »
« Les Chinois ne sont pas là pour nous, mais pour leur pays », peste un vieux du quartier, qui ajoute :
« Ils ne respectent pas notre religion, ils sont bruyants, ils boivent de l'alcool. Eux et leurs femmes portent des tenues dénudées. »
D'où certaines tensions dans ce quartier contrôlé autrefois par le Front islamique du salut (FIS). D'où aussi ce racisme ambiant.
A deux pas, une dizaine de petits Chinois jouent dans la rue. Ils courent. Rigolent. Se taquinent et profitent du soleil d'Alger. En toute insouciance. La présence chinoise en Algérie est là pour durer.