
Ultraviolents, jeunes et tatoués, ils sèment la terreur au Salvador. Christian Poveda a voulu voir ce qui se cachait derrière cette image sanguinaire et brutale. Il a découvert la «solitude absolue» qui hante les membres des maras, ces gangs qui se livrent au trafic de drogue et au racket aux Etats-Unis et en Amérique centrale. Il a aussi rencontré la Grande Faucheuse. Jeudi dernier, il a été abattu de quatre balles dans la tête dans sa voiture à Tonacatepeque. Selon la police, il revenait d'un tournage dans la banlieue La Campanera, contrôlée par les gangs.
Le reporter français d'origine espagnole vivait au Salvador. Il venait de terminer «La Vida Loca», un documentaire sur la vie des membres de la Mara 18. La Mara 18 est un des deux principaux gangs du pays avec la Mara Salvatrucha. Les deux organisations, qui comptent en tout 15 000 membres, se livrent une guerre sans merci. «Elles ont chacune leur langage codé, leurs rites et leurs tatouages et se haïssent cordialement, expliquait le journaliste dans une interview. Aucun différend idéologique ou religieux n'explique cette lutte à mort dont l'origine, perdue dans les bas-fonds des barrios hispaniques de Los Angeles, est oubliée de tous.»
La police a arrêté un membre de la Mara 18, El Puma, suspecté d'avoir assassiné le documentariste, avant de le mettre hors de cause. Pour les enquêteurs, il est toutefois possible qu'un lien entre le film et le meurtre existe. Ils pensent que des membres de la mara pourraient avoir réclamé de l'argent pour leur participation au tournage. Christian Poveda, lui, n'avait qu'un souhait: «Nous devons comprendre pourquoi un enfant de 12 ou 13 ans rejoint un gang et donne sa vie pour lui.
DE QUOI ON PARLE?
Gangsters Ils sont 120 000 entre les Etats-Unis et l'Amérique centrale. Ils s'adonnent au trafic de drogue et au racket et se livrent une guerre sans merci. Un reporter français les a suivis pendant seize mois dans une banlieue de San Salvador. Il en a tiré un documentaire poignant et effrayant (photo). Et il l'a payé de sa vie.
Gangs nés aux états-unis
Une guerre pour une femme
Des dizaines de milliers de Salvadoriens se sont réfugiés aux Etats-Unis dans les années 1980, en raison de la guerre qui sévissait chez eux. Rapidement, certains se sont regroupés pour se défendre face aux gangs latinos qui imposaient leur loi. Ils ont créé les maras, ce qui en argot salvadorien signifie groupe ou bande. Le mot peut aussi être l'abréviation de marabunta, une fourmi carnivore d'Amazonie. Ces gangs ont connu une extension rapide. Ils comptent aujourd'hui quelque 50 000 membres aux Etats-Unis, 35 000 au Honduras, 15 000 au Salvador et autant au Guatemala. S'ils ont envahi l'Amérique centrale, c'est en raison des expulsions massives de clandestins orchestrées par les Etats-Unis à la fin de la guerre au Salvador, en 1992.
Plusieurs théories tentent d'expliquer la guerre sanguinaire qui oppose la Mara 18 à la Mara Salvatrucha, qui a fait 3750 morts l'an dernier. La plus romancée fait état d'une querelle qui aurait éclaté entre deux chefs pour les beaux yeux d'une demoiselle. Ce conflit aurait provoqué la scission du gang et créé une plaie qui n'est pas près de se refermer.