Face à l'explosion de cas, des sociétés se chargent de faire oublier ces contenus embarrassants qui pourrissent la vie
Patrick a 33 ans. Depuis trois ans, il occupe un poste à responsabilités dans un établissement financier international. Une situation professionnelle qu'il aurait pu ne jamais connaître. Et pour cause. Des images gênantes le mettant en scène circulaient sur Internet; reliques embarrassantes d'une année d'études aux Etats-Unis.
«Là-bas, j'ai participé à la vie du campus, raconte Patrick. Une fois j'ai été pris en photo alors que nous fêtions généreusement un anniversaire.» A priori, rien de vraiment grave.
Du moins jusqu'à ce qu'il cherche à entrer dans la vie active. «Un jour un recruteur m'a avoué qu'en cherchant mon CV en ligne, il était tombé sur deux clichés de moi en train de festoyer, explique Patrick. Ils figuraient sur un site de partage d'images et j'y étais nommé. Il m'a dit que pour le genre de carrière que je visais cela me porterait préjudice.» En insistant un peu, Patrick est heureusement parvenu à faire retirer les images. Mais ce n'est pas toujours le cas.
Gênés par des ragots, des textes ou des photos qu'ils ont parfois eux-mêmes mis en ligne, les internautes sont en effet de plus en plus souvent désemparés lorsqu'ils veulent se refaire une virginité numérique. Sans parler de ceux dont la réputation est sciemment ternie ou dont les erreurs du passé restent à jamais dans la mémoire de la Toile. Ce d'autant plus que grâce à des outils en ligne comme 123people.com, spokeo.com, pipl.com ou tout simplement Google, il est devenu très facile de compiler en quelques minutes la vie numérique d'une personne. En somme, recomposer son casier social et professionnel.
Face à l'explosion des cas, des sociétés s'assurent désormais que votre vie ne reste pas à perpète sur le Net. C'est le cas de WnG Solutions, à Lausanne en Suisse, qui parmi ses diverses prestations, propose la gestion de réputation. «Le nombre de ces requêtes a fortement augmenté ces dernières années, explique Stéphane Grivat, directeur de WnG Solutions. Qu'il s'agisse de sociétés ou de particuliers. Le pire c'est que parfois des internautes sont complices de leur propre malheur.»
Stéphane Grivat donne ainsi quelques exemples concrets. Comme cette société active dans le paramédical dont un produit avait été critiqué sur un forum spécialisé et qui redoutait un mauvais buzz dans le milieu. Ou encore ce client privé souhaitant que sa mise en examen ne figure plus en si bonne position dans la biographie qui lui était consacrée sur Wikipédia.
La première démarche consiste ainsi à faire retirer le contenu qui pose problème, en contactant les responsables de sites. Mais ces derniers ne sont pas toujours joignables ou tout simplement peu coopératifs. «Nous tentons alors à faire disparaître les résultats indésirables des moteurs de recherche comme Google, relève le spécialiste lausannois. Mais ce n'est pas toujours possible. Nous cherchons ensuite à cacher les contenus problématiques derrière des éléments positifs sur la personne.» Les internautes ne s'arrêteraient en effet, dans la grande majorité des cas, qu'aux dix premiers résultats qui apparaissent dans Google.
Il faut donc créer de nouveaux contenus positifs cette fois; par exemple sur des plates-formes sociales ou des réseaux professionnels comme Linkedin. Puis, il existe plusieurs outils élaborés qui améliorent le référencement de ces nouvelles informations et les font passer en tête. «Enfin, nous proposons de faire une veille profonde et permanente du Net», conclut Stéphane Grivat. Les prestations de suppression coûtent entre 5000 et 50 000 francs Suisse, en fonction de la difficulté des cas. Une veille entre 3000 et 15 000 francs.
Dans une moindre mesure, l'internaute peut surveiller lui-même sa réputation, grâce aux alertes Google. Ou en passant régulièrement son nom dans divers moteurs de recherche. «C'est ce que je fais depuis ma mésaventure», assure Patrick.
Aux USA, la gestion de la réputation est déjà devenue un business à part entière. Car dans un pays où 70% des gens à la recherche d'un emploi postulent par Internet, une étude récente a révélé que la moitié d'entre eux n'étaient pas retenus à cause d'une mauvaise réputation virtuelle.
De plus, des cabinets pratiquent désormais ce que l'on appelle le recrutement 2.0; c'est-à-dire que les chasseurs de têtes cherchent de futurs cadres directement sur les réseaux sociaux et les blogs. Spécialistes en la matière, les Français d'Altaïde commencent à faire des émules. Dans ce contexte, pas étonnant que des nettoyeurs du Net comme TrustPlus.com ou Reputationhawk.com prolifèrent rapidement.
Le leader mondial en la matière, la société californienne Reputation Defender, a été fondée par Michael Fertik en 2006. Surnommée la «Google insurance», elle emploie déjà 70 personnes. «Nous avons des clients dans le monde entier», explique Michael Fertik, fondateur de la société.
Son succès, il l'attribue au fait que presque tout Internaute peut améliorer son image sur le Web, grâce à des tarifs accessibles oscillant entre 9.95 et 14.95 dollars par mois pour des prestations basiques. Pour 599 dollars par an, le client dispose de la totale, soit une optimisation de ses informations, de biographies professionnelles écrites à la troisième personne ou encore une gestion de sa réputation en temps réel.
«Nous avons des directeurs d'entreprises qui sont prêts à mettre plus de 10 000 dollars par mois, afin d'avoir un contrôle quasi total sur les résultats obtenus dans tous les moteurs de recherche.» Et à Michael Fertik de conclure: «Je pense sincèrement que la demande va croître fortement, sachant notamment que les usurpations d'identité son de plus en plus fréquentes sur le Web.»
Mais au final, tous les experts s'accordent sur un point: la meilleure solution reste encore de tourner sept fois sa souris dans sa main avant de publier du contenu personnel sur Internet.