Quel est le problème? Rien, sinon que Leonardo DiCaprio n'a même pas été nommé pour sa performance bouleversante dans «Les noces rebelles». Et que cette fable de plus de deux heures quarante, narrant le parcours de Benjamin Button, qui naît à 80 ans et vit le reste de son existence à rebours, en rajeunissant, apparaît terriblement surestimée.
Annoncée comme un chef-d'oeuvre absolu, cette histoire inspirée d'une nouvelle de F. Scott Fitzgerald est tout au plus un ouvrage bien fait, mais plutôt décousu et inconsistant. Sur une idée aussi originale, qui illustre une pensée de Mark Twain affirmant que «la vie serait bien plus heureuse si nous naissions à 80 ans et nous approchions graduellement de nos 18 ans», le résultat déçoit.
D'abord, parce que le récit ne fait pas grand-chose du contexte historique que son héros traverse, et qui couvre 1918 à nos jours. Que les personnages secondaires, comme ce groupe de remorqueurs avec qui travaille Benjamin Button, n'existent pas une seule seconde à l'écran. Que les péripéties qui arrivent au héros apparaissent bien banales en regard de sa formidable singularité. Et on se demande encore ce que vient faire l'ouragan «Katrina» dans cette affaire, sinon pour nous rappeler que l'action se situe à La Nouvelle-Orléans.
En dehors d'une première demi-heure insolite, où le contraste entre un Button à peine âgé de 7 ans et son apparence de vieillard ne manque pas de piquant, le film ressemble à une version ratée de «Forrest Gump».
Entre «Benjamin Button» et «Forrest Gump», les parallèles ne manquent d'ailleurs pas. Deux héros caractérisés par leur différence et leur décalage avec le monde extérieur. Une fresque qui traverse plusieurs décennies de l'histoire américaine. Une romance impossible. La plume de «Forrest Gump» remplacée ici par un colibri incongru.
C'est donc sans surprise que l'on découvre que les deux récits partagent le même scénariste, Eric Roth. Mais autant «Forrest Gump» partait d'une boîte de chocolat pour s'orienter vers une fable moderne à la Candide, d'une portée humaine et émotionnelle incomparable, autant «Benjamin Button» n'arrive jamais à exploiter correctement son postulat extraordinaire et finit par accoucher d'une souris.
La comparaison entre les deux films ne s'arrêtera peut-être pas là, puisque «Forrest Gump» avait glané en son temps quatre oscars, dont celui du meilleur acteur pour Tom Hanks. Un bon présage pour Brad Pitt?
Si l'on ne peut que se réjouir que l'acteur soit enfin reconnu dans la cour des grands, on peut regretter que ce soit pour son rôle le moins intéressant depuis belle lurette. Grimé la moitié du temps à l'écran, la star semble étrangement absente, amorphe, comme une surface lisse sur laquelle glisse toute émotion.
Il suffit de le revoir dans «Fight Club», «Entretien avec un vampire», «Burn After Reading» ou encore «Babel» pour se convaincre qu'il est bel et bien digne d'un oscar. Mais certainement pas pour le rôle de Benjamin Button.
A force d'être autant obnubilé par les performances basées sur des personnages handicapés ou inspirées de figures historiques, les oscars ont même réussi à ignorer Leonardo DiCaprio, pourtant incroyable de subtilité et d'épaisseur dans «Les noces rebelles».
Nommé trois fois auparavant, dans un rôle secondaire pour «Gilbert Grape» (1994), et comme meilleur acteur dans «Aviator» (2005) puis «Blood Diamond» (2007), il n'a, lui non plus, jamais décroché la statuette tant convoitée. Dans la cour des oscars ou des césars, la justice ne fait définitivement pas souvent la loi.