 Il est l'un des conférenciers les plus prisés du moment et devrait être un invité de marque du prochain WEF (World Economic Forum) à Davos. Mais Al Gore mérite-t-il pareille notoriété?
Il est l'un des conférenciers les plus prisés du moment et devrait être un invité de marque du prochain WEF (World Economic Forum) à Davos. Mais Al Gore mérite-t-il pareille notoriété?
Il y a deux semaines, Al Gore s'est retrouvé au coeur d'une polémique qui a secoué la blogosphère américaine via l'une de ses plates-formes les plus relayées, le Huffington Post. Le 3 janvier, un dénommé Harold Ambler y publie un billet dans lequel il réclame qu'Al Gore présente publiquement ses excuses pour avoir «vendu à l'opinion publique le plus gros bobard de toute l'histoire de l'humanité». L'article est aussitôt commenté et relayé sur d'autres blogs - salué par ceux qui pensent qu'Al Gore est un escroc qui devrait rendre son Prix Nobel, dénigré par ceux qui voient en lui un grand homme qui a su alerter les consciences.
Deux jours plus tard, sur le HuffPo, c'est la riposte: un dénommé Kevin Gardia publie un billet dans lequel il dénonce Ambler comme un intervenant non crédible et Arianna Huffington, la rédactrice en chef, regrette que l'article d'Ambler soit «passé entre les gouttes»: «J'ai la ferme conviction qu'il existe des problèmes que l'on ne peut pas voir de deux manières, écrit-elle. La crise climatique est l'un d'entre eux.»
«C'est typique», estime Dirk Maxeiner. Cet éditorialiste allemand, auteur d'un ouvrage qui fait le tour de l'ensemble des hypothèses climatiques, est l'un des rares journalistes d'Europe qui cherchent à faire connaître au grand public les travaux de chercheurs qui ne souscrivent pas aux conclusions du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), ce panel onusien d'experts internationaux abondamment cité par Al Gore et la plupart des médias. «Dès que l'on évoque des travaux qui avancent d'autres hypothèses que le CO2 pour expliquer les variations climatiques, on est certain de susciter une vague d'indignation et de se retrouver l'objet d'attaques personnelles, affirme-t-il. Or le propre de la science, c'est précisément la confrontation de différentes hypothèses à l'épreuve des faits. Mais dans le cas du climat, la plupart des médias traditionnels ont abandonné toute distance critique pour ne relayer que les conclusions du GIEC et ses scénarios catastrophistes. La discussion est devenue idéologique.»
Pourtant, les scientifiques qui voient d'autres motifs aux variations climatiques et émettent des doutes par rapport aux conclusions du GIEC sont nombreux - eux aussi professeurs d'université et publiés dans les meilleures revues. Mais ce qui frappe, c'est leur faible visibilité et les risques de huées auxquels ils s'exposent lorsqu'ils présentent leur hypothèse au grand public. La preuve par Jacques Lévy, géographe à l'EPFL, dont les déclarations dans la presse ont soulevé l'an dernier un tollé indigné. Son crime: avoir osé remettre en cause les conclusions du GIEC et rappelé l'existence d'autres hypothèses. «La plupart de ceux qu'on appelle les sceptiques sont des scientifiques honnêtes et compétents, souligne Dirk Maxeiner. Bien sûr, on trouve aussi quelques cinglés. Mais franchement, Al Gore est aussi un être inquiétant: un prédicateur qui traite systématiquement ses adversaires de malades et prêche l'ascèse énergétique alors que son mode de vie est tout l'opposé.» Un point de vue que récuse Patrick Aebischer, directeur de l'EPFL, qui a remis l'an dernier un doctorat honoris causa à l'ancien vice-président: «Al Gore a défendu la science tout au long de sa carrière politique, dit-il. Il a relayé avec un succès extraordinaire le consensus qui unit la plupart des scientifiques sur les causes du réchauffement climatique. Mais avec un impact pareil, forcément, il est en bute à la critique, surtout lorsque les enjeux économiques sont aussi énormes.» Mais y a-t-il vraiment consensus? Un coup d'oeil au site Climate Debate Dailymontre que le doute est de rigueur: ce portail Internet mis en place par deux scientifiques recense à l'attention du public les sites Webs, les essais et les articles scientifiques produits par les tenants de l'hypothèse du CO2 et les autres, de par le monde. Or force est de constater qu'en réalité, le débat fait rage et que les incertitudes restent énormes. Quoi qu'en dise Al Gore.